I- Les préparatifs de la fête
I-1- Au Msid
Le Msid, assimilé auparavant à un lieu de refoulement et de vexations, devient un espace agréable où les enfants s’épanouissent dans une ambiance faite de rire, de cris et de disputes finalement tranchées par le maître des lieux :
- Le travail commença. Dans un vacarme d’injures, de pleurs et d’éclats de rire, quelques uns s’emparèrent des têtes de loup…
- Dans l’eau jusqu’aux chevilles, pieds nus, bousculé pare celui-ci, insulté par celui-là, j’étais heureux ! Adieu la leçon, les récitations collectives, les planchettes rigides, rébarbatives, inhumaines !
- Devant mes parents, je me vantai de mes multiples exploits. Je réussis à la convaincre que sans moi aucun résultat sérieux n’aurait été obtenu. Mon père me félicita.
I-2- A la maison
La joie de la fête continue à la maison. Lalla Zoubida tient à habiller son fils comme il faut pour la grande occasion. Les jours heureux que Sidi Mohammed s’apprête à vivre le submergent de bonheur.
- Ce matin, je me sentais capable de bonté, d’indulgence, j’étais d’une générosité sans bornes. Je pardonnais à Zineb (…) Je pardonnais à son chat (…) Je pardonnais aux mardis d’être des jours trop longs, à la baguette de cognassier de mordre si souvent (…) je pardonnais aux jours de lessive (…) je pardonnais à tout le monde.
Le bonheur de l’enfant prend des proportions merveilleuses. Sidi Mohammed ne se considère plus comme un simple enfant ivre d’extase, mais comme un chevalier intrépide, un prince de conte entouré de splendeurs :
- Je montai sur la terrasse où personne ne pouvait me voir éparpiller aux quatre vents l’excès de joie dont je me sentais déborder. Je courais, je chantais. La baguette devenait un sabre. Je la maniais avec adresse.
Je pourfendais des ennemis invisibles, je coupais la tête aux pachas (…) La baguette devenait cheval (…) J’étais le cavalier courageux.(…) Le rouge du gilet prenait des tons de velours cramoisi. Une belle couleur profonde , discrète et royale à la fois qui m’enivrait.
Je me sentais gonflé d’un noble orgueil. Ce vêtement était le mien.
Le jour de la Achoura, j’allais éblouir nos amis et connaissances.
Les élèves du Msid me parleraient avec déférence. Aux princes de légende, petits et grands s’adressaient avec respect.
Ne serais-je pas un prince de légende avec ce gilet somptueux, ma future chemise de qualité « poisson » et la paire de babouches.(…) Je me mis sur le dos et entrepris de composer un menu fastueux pour le jour où, prince reconnu et aimé, j’aurais à recevoir des personnes de mon rang.(…) Moi, je serai habillé en blanc.
Sur la tête, je mettrai le bonnet conique d’un rouge amarante, apanage des gens de cour et des derviches.
Des esclaves noires nous serviront dans des plats de porcelaine.
II-Le récit de Rahma
Rahma s’avère une excellente conteuse. Son discours oral, savamment intégré dans le roman, s’annonce captivant dès le début. La jeune femme ne se contente pas de rapporter les faits.
Elle se comporte exactement comme un conteur dans une halqa. Elle pique la curiosité de son auditoire et joue sur ses attentes.
Quand on pose la question comment Khadija traite son mari, Rahma répond qu’elle connaît « une histoire fort amusante » sur le ménage, mais qu’elle est un peu longue.
L’obstacle qu’elle pose n’est en réalité qu’une feinte et une invitation à l’écoute de son récit.
La réaction du public qui l’entoure ne se fait pas attendre : « Raconte Rahma, raconte-là ! demandèrent les femmes d’une seule voix. ».
Ce n’est donc pas l’histoire en elle-même qui est intéressante, mais la manière de la relater.
Après avoir gagné la faveur de ses auditrices, Rahma se lance dans la narration et y met constamment du sien.
Elle raconte l’histoire comme si elle en était l’unique témoin, or le narrateur a déjà précisé qu’elle la tenait de Lalla Mbarka, l’ancienne esclave de l’oncle Othmane.
Les femmes de Dar Chouafa fascinées par l’art de Rahma, abandonnent leurs tâches ménagères.
Le temps paraît comme suspendu à la maison : « J’allais me pencher à la fenêtre, aux côtés de ma mère. Toutes les femmes avaient abandonné leurs besognes et s’accoudaient aux grilles et balustrades de leurs balcons.
Lalla Kanza sortit un vieux tapis de prière , s’installa pour écouter dans le patio. »
L’atmosphère de l’audition est décrite dans un commentaire du narrateur pour souligner les réactions des auditrices au fur et à mesure que progresse le récit de Rahma : « Tout le monde riait aux larmes.
Rahma savait si bien raconter… Les femmes hurlaient de joie. Moi, je trépignais d’enthousiasme. Je réclamai la suite…Nous riions à nous tordre…Tout le monde fit des compliments à Rahma sur sa façon de peindre les événements les plus insignifiants. Ses propos avaient du sel… Le récit de Rahma m’obséda toute la soirée, la nuit, j’y rêvai encore. ».
Chapitre 6 - Axes de lecture
Reviewed by Admin
on
septembre 17, 2019
Rating:
Aucun commentaire: